Cause the night is dark and full of terrors

Le môme pleurait, des larmes de crocodiles qui n'avaient lieu d'être. Son père éclata de rire pendant qu'il cachait son visage et le faisait revenir par intermittence. Mais Lukas ne riait pas. Il continuait à pleurer, inconsolable. Babillant, le petit châtain leva ses prunelles chocolats sur le visage de son géniteur et fit une grimace. La crise était passée avec la vitesse d'un éclair, comme toujours. Mais l'enfant n'avait pas dit son dernier mot. Rampant, à moitié à quatre pattes, il s'échappa pendant que son père lui courrait après avec un rire tonitruant. Mais la vie ne pouvait être si jolie et vomir des papillons devant ce magnifique tableau. Lukas était trop proche de l'escalier. Bien trop proche. La chute fut brève mais pour son père, elle dura une éternité. Le temps de voir sa vie basculer, de voir le monde plonger. L'enfant hurla de douleur, sa cheville formant un angle étrange avec le reste de son corps. Tan O'Down appela en urgence les pompiers, incapable d’aligner deux mots cohérents. Lukas en garderait quelques séquelles. C'était les mots des médecins qui s'occupait de son fils.

L'intelligence ne contrera jamais des poings

Avec sa patte folle et ses muscles cassis inexistants, Lukas ne pouvait devenir le roi de l'école. Il était timide, même si sa bonne humeur faisait le bonheur de ses amis peu nombreux. Lukas était un garçon solitaire, qui attendait que les choses se passent. Particulièrement intelligent, il excellait partout et cela ne plaisait pas aux autres. Y a-t-il pire qu'un enfant envers un autre ? Le petit châtain était persuadé que non. Petit à petit, il perdait sa bonne humeur, s'enfonçant dans son mal être, ne s'ouvrant plus à personne. Les autres le traitaient de monstre avec ses livres et bientôt, les insultes pleuvent dans le couloir. Le gamin se faisait discret mais rien n'y faisait, les autres le débusquaient où qu'il se cache, quoi qu'il face. Puis un jour, il craqua. Il venait de trouver une nouvelle fois "monstre" tagué sur son cassier et il ne trouva en lui la force de l’effacer, de passer outre les regards. Le harcèlement allait trop loin. S'enfermer dans les devoirs ne lui apportaient rien mais il ne voulait devenir semblable aux autres, rire fort, avoir pleins d'amis. Il était seul mais c'était comme ça qu'il voulait vivre.

Il sombra, bien plus vite qu'un corps s'enfonçant dans l'eau. Il aurait voulu s'approcher de cette lumière à la surface, la toucher de ses doigts gelés mais son corps entier était engourdit par cette léthargie qui prenait petit à petit par de lui. A la sortie de l’hôpital, son père le changea d'école et Lukas s'oublia dans l'écriture. Il oublia ses problèmes, oubliait les poings des enfants, oubliait les paroles blessantes. Ses personnages vivaient à sa place, vivaient des choses magnifiques pendant que lui, il restait bloqué sur cette Terre qui le haïssait.

Délivrance

Puis vient les heures bénites, lorsqu'il reçu enfin sa lettre lui annonçant qu'il était accepté à Harvard. Il se sentait comme un enfant au matin de Noël ouvrant le cadeau qu'il attendait tant. Là bah, il apprit la beauté des mots pour détruire des réputations, la force d'avoir de trop nombreux amis à ses côtés. Il pouvait faire ce qu'il voulait, être qui il voulait. Sa plume s'affina pour devenir aussi tranchant qu'un rasoir et son intelligence s’aiguisa, sa soif de savoir enfin assouvie. Il pouvait devenir celui qu'il avait toujours rêvé d'être. Sans que plus personne ne le traite de monstre. L'université passa en un éclair, année mémorable et adorable. Il aurait voulu ne jamais partir mais lorsqu'il se tient en costard devant celui qui lui annonçait qu'il était prit pour l'emploi qu'il convoitait, il savait que toutes ses années n'avaient pas été veines. Maintenant, il était plus déterminé que jamais. Journaliste en vague pour le Philadelphia Inquerier, il se sentait près. Près pour mener ses enquêtes avec plus d’efficacité qu'un policier, pour couvrir le moindre fait. Il serait les yeux et les oreilles de Philadelphie et il serait la plume de Voltaire.